Fritz Kreisler
February 2, 1875 - Vienne (Autriche) — January 29, 1962 - New York (États-Unis)
Biographie
Fritz Kreisler, de naissance Friedrich Kreisler, est un violoniste et compositeur autrichien. Il naît à Vienne le 2 février 1875 et présente dès le plus jeune âge des prédispositions pour la musique. Initié par son père musicien amateur au solfège, il suit des cours de violon dès ses 3 ans auprès du compositeur et violoniste français Jacques Auber, ce qui le conduit à l’âge de raison à entrer au Conservatoire de Vienne, en 1882, pour se former à son instrument auprès du chef et violoniste autrichien Josef Hellmesberger pendant deux ans, puis auprès de Joseph Massart au Conservatoire de Paris, pendant deux ans également. Il s’y forme aussi à la composition. Il obtient ses diplômes avec de nombreux prix et médailles.
Il est l’un des plus jeunes admis et lauréat du conservatoire viennois et sa virtuosité est déjà acclamée : il débute ainsi plusieurs tournées dès ses 14 ans, d’abord aux États-Unis avec le pianiste polonais Moriz Rosenthal, puis en Russie à l’âge de 21 ans. Entre ces tournées, il effectue une année de service pour l’armée autrichienne et profite d’être au pays pour s’intéresser aux arts mais aussi la médecine. Il y donne un concert qui lui vaut une certaine réputation d’interprète, en jouant en 1898 sous la direction du chef Hans Richter le Concerto pour violon n° 1 en sol mineur de Max Bruch, qui nécessite une musicalité et une virtuosité exemplaires. Cet évènement donne un véritable élan à sa carrière de concertiste qu’il poursuit à l’international, de nouveau aux États-Unis où il rencontre la New Yorkaise Harriet Lies, qu’il épouse en 1902, en Allemagne ou encore au Royaume-Uni.
Une fois sa notoriété de virtuose établie, le compositeur Edward Elgar, en vogue au tournant du siècle, lui dédie son Concerto pour violon en si mineur, op. 61. Ils le créent ensemble à Londres, en 1910 : c’est un immense succès. La décennie 1910 marque le début de ses compositions, qu’il intègre fréquemment dans ses programmes de concert sans toujours citer son nom.
Après une brève participation à la Première Guerre mondiale, il déménage successivement à New York, à Berlin, puis à Paris où il obtient la nationalité française et réside pendant cinq ans avant de s’établir dans la ville natale de son épouse en 1939. Malgré ces déménagements et les tensions politiques, Fritz Kreisler continue de se produire à l’international et en Europe, mise à part l’Allemagne où il refuse catégoriquement de se rendre, assisté par sa femme qui joue depuis leur rencontre un rôle essentiel dans la planification de ses voyages. Sa carrière prend fin en raison d’un accident automobile en 1941. Il continue néanmoins à jouer du violon jusque tardivement. Il décède en 1963 à New York.
Kreisler interprète
Kreisler démontre très tôt une grande maturité musicale et une dextérité dans l’art de son instrument. Ses débuts très jeunes, les prix gagnés et l’accueil enthousiaste par le public de ses performances ne démentent pas ses qualités artistiques et techniques.
Kreisler s’illustre donc principalement par ses interprétations plutôt que par la composition qui constitue une activité secondaire au cours de sa vie. Outre la précision de son jeu, l’Autrichien a développé un vibrato intense et caractéristique. Dans le même temps, sa technique repose sur des coups d’archet minimes, ce qui lui permet une certaine vélocité de jeu aussi bien que de l’endurance. La création du Concerto d’Edward Elgar qui lui est dédié illustre parfaitement le juste équilibre entre musicalité et technique du musicien. Son jeu est par ailleurs sublimé par la beauté des instruments choisis : il a ainsi le privilège de jouer sur six Stradivari différents tout au long de sa carrière.
Compositeur et blagueur : les canulars
Parallèlement à sa carrière de musicien interprète, et sur un plan secondaire, le violoniste s’essaye à la composition de pièces généralement courtes et destinées majoritairement au violon. Elles font appel à une certaine virtuosité. Parmi ses premières créations : le recueil de trois airs de danse viennois Alt-Wiener Tanzweisen pour piano et violon, qui demeure un recueil largement joué par les grands interprètes. Les deux premiers airs s’intitulent Liebesfreud (Plaisir d’Amour) et Liebeslied, transcrite en pièces virtuoses pour piano et enregistrées par Rachmaninov. Liebeslied notamment demeure une pièce importante dans le répertoire pour violon : le violoniste soviétique David Oïstrakh en propose une version historique, captée en 1993. La troisième pièce du recueil, Schön Rosmarin (Joli Romarin) reste vraisemblablement l’une des préférées du compositeur lui-même puisqu’il la joue fréquemment en bis de ses concerts.
Un peu moins d’une trentaine des œuvres de Kreisler sont référencées et publiées. Par un mélange de modestie et d’humour, par l’ennui qu’il ressent en annonçant clairement ses programmes, il indique pendant longtemps que ses compositions sont des transcriptions d’œuvres de compositeurs émérites, tels que Couperin, Stamitz ou encore Vivaldi. Mais par-dessus tout, il aime taquiner les critiques musicaux, et tire parti de son excellente connaissance des styles des compositeurs qu’il imite, pour les duper et leur faire croire qu’ils entendent des œuvres authentiques.
Bien qu’il ait effectivement réalisé des arrangements de pièces de compositeurs tels que Mozart ou Beethoven, par exemple le Rondino sur un thème de Beethoven, il compose bel et bien des œuvres originales en s’inspirant du style de certains compositeurs renommés. Ses créations prennent ainsi l’allure de pastiche : le Caprice Viennois, op. 2 requiert une virtuosité semblable à celle exigée par Paganini ; ou encore le Concerto pour violon « dans le style de Vivaldi » en do majeur, l’une de ses premières compositions, de 1905.
En 1935, à l’aube de ses 60 ans, il met fin à son canular présumé et révèle que nombre de ses arrangements sont des compositions originales qu’il a réalisées. Bien que moins connues que celles d’autres compositeurs autrichiens, ses pièces sont régulièrement jouées, leur courte durée d’exécution, sans empêcher de faire de l’effet, étant appréciée. La violoniste Janine Jansen a ainsi remis au goût du jour plusieurs des œuvres de Kreisler en le faisant fréquenter dans ses programmes d’autres illustres maîtres tels que Rachmaninov ou Schumann.