La symphonie dans tous ses états
Plongeons-nous dans la symphonie, ce genre indémodable que l’on continue à écouter, jouer et composer même plus de 200 ans après sa naissance ! Nous vous avons donc préparé une sélection de chefs-d’œuvre du genre, ainsi que de trésors moins connus.
La forme symphonique
Nous vous proposons de revenir sur les caractéristiques de la symphonie, ses canons et ses variations à travers trois axes de réflexion : nous parlerons tout d’abord de la forme symphonique, puis du fond de la symphonie, qui a beaucoup changé au cours de l’histoire, avant de finir avec les genres gravitant autour de la symphonie. Tout d’abord, un peu d’histoire et de définition : depuis la période classique, la symphonie est composée de quatre mouvements. Chacun d'eux répond à un ensemble de règles définissant le tempo, la mesure, la tonalité, l'organisation des mélodies... Pour mieux comprendre, revenons sur les origines de ce genre. La symphonie est née de l’évolution de l’Ouverture à l’italienne (une pièce composée pour introduire un opéra), typiquement constituée de deux mouvements vifs encadrant un mouvement lent. Après quelques compositions suivant scrupuleusement cette forme (les symphonies précoces de Haydn et Mozart, notamment), on prend l’habitude d’ajouter un mouvement rapide et dansant avant le Finale : la symphonie classique était née ! Les trois dernières symphonies de Mozart ou encore la Symphonie n° 5 de Beethoven sont de parfaits exemples du genre. Malgré ces règles qui peuvent sembler strictes, les compositeurs distillent dans leurs symphonies toute leur inventivité technique et artistique, en ajoutant des mouvements, en en inversant certains, et glissant même parfois des petites surprises (la Symphonie n° 94 « Surprise » de Haydn, par exemple…). Beethoven prendra également l’habitude de remplacer le Menuet par un Scherzo, comme dans sa Symphonie n° 7 (à découvrir dans ce superbe concert où elle est interprétée par le Chamber Orchestre of Europe et Julian Rachlin). Par la suite, la forme symphonique restera sensiblement la même (à quelques rares et magnifiques exceptions près), et c’est surtout l’augmentation des effectifs orchestraux qui permettra de donner plus de profondeur à la symphonie.
De la symphonie classique au 21e siècle
On l’a dit, la forme symphonique n’a pas énormément évolué depuis la période classique, à quelques exceptions près. Lorsqu’on aborde le répertoire symphonique du 19e siècle, il est absolument nécessaire de mentionner l’influence musicale et l’importance culturelle de la Symphonie n° 9 de Beethoven (pourtant loin d'être son seul chef-d'œuvre du genre), créée en 1824. Cette ultime symphonie est monumentale et innovante : Beethoven rompt avec la forme standard en ajoutant un chœur et des solistes. Quant à la structure du dernier mouvement, elle s'apparente à celle d'une symphonie à part entière, lui valant le surnom de « symphonie dans la symphonie » (Beethoven ne sera d’ailleurs pas le seul à exploiter les opportunités des orchestres agrandis de l'époque : près d'un siècle plus tard, Mahler composera sa Symphonie n° 8 en mi bémol majeur, surnommée symphonie « des Mille »). Dès la seconde moitié du 19e siècle, plusieurs grandes figures de l'époque s'emparent à leur tour de la symphonie et s'écartent du modèle en vigueur à l'époque classique. En exploitant l'ampleur de la structure et en bénéficiant des progrès de l'orchestration et de l’augmentation des effectifs orchestraux, ils donnent naissance à un cadre plus souple, privilégiant avant tout l'expressivité. Les œuvres se font plus évocatrices, plus descriptives. Deux évolutions notables naîtront de cette dynamique : tout d’abord, dans l’écriture, les compositeurs commencent à incorporer des mélodies, des rythmes et des motifs inspirés de la musique traditionnelle, occidentale ou non. Quelques exemples : la Symphonie n° 9 « Du Nouveau monde » de Dvořák, qui intègre des thèmes amérindiens ; la Quatrième de Tchaïkovski qui puise dans le folklore russe ; les inspirations klezmer de la Symphonie « Titan » de Mahler ; ou encore, plus tard, la Symphonie n° 3 de Florence Price, qui suit rigoureusement la structure de la symphonie classique, mais dont le mouvement dansant n’est pas un menuet, mais une superbe Juba dance afro-américaine. La seconde évolution est la naissance de deux nouveaux sous-genres : le poème symphonique et la symphonie à programme, dont nous reparlerons dans le prochain paragraphe.
Note : on ne saurait évoquer la symphonie du 20e siècle sans mentionner la contribution colossale de Chostakovitch au genre. Ses œuvres reflètent non seulement son évolution artistique mais également sa relation complexe avec le régime soviétique : dans la lignée de l’évolution narrative du genre symphonique, il s'en est plusieurs fois servi comme des armes de lutte contre la tyrannie.
« Je souffre pour tous ceux qui souffrent, pour tous ceux qui sont torturés, exécutés, pour ceux qui meurent de faim, qu'ils soient victimes de Hitler ou assassinés par Staline. Mes symphonies sont des pierres tombales. »
– Chostakovitch.
Le maître russe composera en tout 15 symphonies, mettant à mal le mythe de la célébrissime Malédiction de la Neuvième…
Autour de la symphonie
À quelques exceptions près, donc, les œuvres symphoniques suivent des codes précis. Mais autour de la symphonie gravitent également d’autres genres ! Des genres qu’un rédacteur facétieux pourrait presque qualifier de « sym-faux-nies »… En effet, les compositeurs ont pu profiter des orchestres, plus vastes, pour explorer de nouvelles possibilités narratives : le 19e siècle voit ainsi se développer le concept de musique à programme. Il s’agit, par exemple, de la symphonie à programme, en plusieurs mouvements (la Symphonie fantastique de Berlioz, Une Symphonie alpestre de Strauss ou Les Planètes de Holst, œuvre plus tardive, en sont d’éblouissants exemples) et du poème symphonique en un seul long mouvement ininterrompu (tel que Finlandia de Sibelius). Un autre genre gravitant autour de la symphonie est celui des symphonies concertantes, à la croisée de la symphonie et du concerto, qui fait dialoguer plusieurs instruments solistes avec le reste de l’orchestre et auquel contribueront Mozart avec deux œuvres (dont la Symphonie concertante pour violon et alto) et Haydn. Mais assez de théorie ! Plongez-vous dans le genre symphonique grâce à cette playliste que nous avons préparée et découvrez des chefs-d’œuvre de Mozart, Beethoven, Dvořák, Sibelius, Tchaïkovski et bien d’autres compositeurs de légende…