Serge Baudo dirige Berlioz : L'Enfance du Christ

À l'origine de l'unique oratorio de Berlioz figure une facétie : un pastiche du XVIIe que le compositeur attribua à un maître de chapelle imaginaire, Ducré. Enchanté d'avoir berné la critique, après l'audition de cette page délicieusement archaïsante, Berlioz l'étoffa d'une ouverture et d'un chœur d'anges accompagnant le repos de la Sainte Famille pour former La Fuite en Égypte. Restait à encadrer cette petite cantate par deux autres volets : Le Songe d'Hérode, où le roi de Judée a la vision d'un enfant qui va le détrôner et prend la décision de faire tuer tous les nouveaux nés ; et L'Arrivée à Saïs, qui voit la Sainte Famille harassée en butte aux moqueries des Égyptiens, avant d'être accueillie sous le toit bienveillant d'un charpentier ismaélien. L'Enfance du Christ fut achevée en 1854.

La grandeur de quelques chœurs et passages orchestraux, le romantisme de l'air d'Hérode, page magistrale et hallucinée du souverain accablé par la solitude du pouvoir, tranchent avec le ton général de l'œuvre, que Berlioz comparait à une succession d'« enluminures de vieux missels ». Cette douceur radieuse fait de L'Enfance du Christ l'une des partitions les plus touchantes du compositeur isérois ; ce fut d'ailleurs l'une des seules à connaître un triomphe de son vivant.

L'Enfance du Christ signe les retrouvailles de l'Orchestre national de Lyon avec son ancien directeur musical Serge Baudo, fondateur du Festival Berlioz, où ce programme a été présenté en août dernier. Serge Baudo est également à l'origine des Chœurs de Lyon-Bernard-Tétu, qui participent à ces concerts aux côtés du Chœur Émelthée (le chœur de jeunes femmes assurant les interventions séraphiques) et d'un plateau de chanteurs de premier ordre. Cette production placée sous le signe des retrouvailles est également une pierre nouvelle dans le jardin berliozien de l'ONL, déjà bien garni.