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Il possède la voix d'un ange et la virtuosité du diable. Philippe Jaroussky une étoile dans le firmament de l'opéra. Sa voix aiguë de contre-ténor rappelle celle des enfants de chœur. Ce chanteur, l'un des plus virtuoses de sa génération, se fond dans des rôles écrits à l'origine pour des castrats ou des mezzo-sopranos féminins, comme en avait réalisé un certain Vivaldi. Longtemps oublié et redécouvert le siècle dernier, son répertoire est aujourd'hui largement célébré, comme récemment à Versailles avec le festival inédit « Venise, Vivaldi, Versailles ».
Philippe Jaroussky compte parmi ceux qui ont contribué à la renaissance de celui qu'on appelait aussi « le prêtre Roux ». Il voue une admiration sans borne à Vivaldi.
« J'aime beaucoup ces personnages qui sont très exubérants, et curieusement, même si Vivaldi était prêtre, je pense qu'il se rapproche probablement plus des certains castrats. C'est quelqu'un, à mon avis, de très fougueux. Moi, ce qui me plaît beaucoup c'est qu'on sent une volonté farouche de plaire, c'est un combattant. C'est tout un contexte de l'époque, les compositeurs passaient leur temps à écrire de nouveaux opéras pour la nouvelle saison du Carnaval, pour le nouveau théâtre, et ça explique probablement cette espèce de foisonnement d'œuvres qu'il y a eu dans le Baroque, parfois des choses qui peuvent être plus mécaniques que d'autres, et c'est là évidemment que les génies musicaux se distinguent des autres, et notamment Vivaldi. »
Vivaldi est l'un des compositeurs les plus prolifiques de tous les temps. C'est à Venise, sa ville natale, qu'il a principalement composé. « C'est vrai qu'un interprète de Vivaldi doit bien entendu aller à Venise et même plusieurs fois. Ça me nourrit quand je vais chanter un air qui me tient beaucoup à cœur, notamment « Vedrò con mio diletto », avec cet accompagnement très pizzicati. Je pense qu'on peut s'imaginer très facilement sur le Grand Canal. Il y a quelque chose de très vaporeux, très suave, et c'est très difficile de quantifier ce qu'on met avec dans la voix ? Mais c'est certain qu'on utilise ça dans l'imaginaire pour nourrir l'interprétation. »
« On a un peu tendance à avoir juste cette image de virtuosité. Moi j'aime aussi ce Vivaldi tendre, ce Vivaldi qui justement touche à une simplicité et à une pureté qui le démarque de l'école Napolitaine, par exemple. Il peut être aussi dans la poésie la plus pure et non plus du tout la démonstration vocale. Donc, on se rend compte qu'on a jugé un peu rapidement Vivaldi comme juste un violoniste compositeur et qu'il était vraiment quelqu'un qui avait un sens aigu aussi de la voix et du drame. Ce que j'aime aussi c'est que c'est un compositeur parfois facile, je suis très touché par ça, c'est quelqu'un qui écrivait évidemment beaucoup, il y des centaines de concertos. Il se vantait de composer plus vite un concerto que ne mettrait un copiste pour le réécrire, ce qui montre qu'il aimait cette fulgurance. Il aimait aussi que son instinct musical, que son inspiration passe directement sur le papier ; on a des fois des petites longueurs, mais tout à coup il y a un éclair de génie, une fulgurance, et on sent que c'est un acte libre. »
Vous pouvez entendre dans ce reportage des extraits de « Vedrò con mio diletto » (Giustino), et « Fra le procelle » (Tito Manlio) d'Antonio Vivaldi, tous inclus dans le cd Vivaldi Heroes, Philippe Jaroussky/Jean-Christophe Spinosi & Ensemble Matheus (Virgin Classics).
Le 19 juillet 2011 à 22h10 France 2 a diffusé « Venise, Vivaldi, Versailles », une émission animée par Stéphane Bern, et réalisée par Nicolas Ferraro et François-René Martin.