Bedřich Smetana
March 2, 1824 - Litomyšl — May 12, 1884 - Prague
Biographie
Bedřich Smetana est un compositeur, pianiste et chef d’orchestre tchèque du 19e siècle considéré comme le père de la musique tchèque. Il naît le 2 mars 1824 dans la ville de Litomyšl, au sein du royaume de Bohême de l’empire d’Autriche, en actuelle Tchéquie. Il évolue très tôt dans un environnement musical grâce à son père mélomane et musicien amateur. Le jeune Smetana développe ainsi son oreille et se forme à la musique de manière autodidacte ; il réalise ainsi quelques transcriptions de pièces orchestrales dès ses six ans. Il se forme dès son plus jeune âge au piano, dont il devient virtuose, et au violon.
Malgré les ambitions de son père de lui faire étudier l’économie à Prague, le jeune homme profite de ce déménagement pour se former à la composition et la direction musicale avec le pianiste et professeur Josef Proksch. Il fait déjà ses preuves avec la composition de nombreuses polkas et sa jeune carrière de pianiste. En 1843, âgé d’à peine 19 ans, il devient maître de musique chez le comte Leopold Thun et enseigne également son art. Il rencontre en même temps Bedřich Kittl, directeur du Conservatoire de Prague, et Franz Liszt, qui deviennent tous deux mécènes du musicien. Le compositeur hongrois joue un rôle très important pour son confrère qui lui dédie son premier cycle pour piano, Six pièces caractéristiques pour piano, op. 1. C’est grâce à son soutien financier notamment que, porté par son patriotisme et les mouvements nationalistes traversant l’Europe, il fonde en 1848 une école de musique où est pratiquée la langue tchèque.
Un an plus tard, il épouse le compositeur tchèque épouse la pianiste Kateřina Kolářová, rencontrée au conservatoire et avec qui il a deux filles, qui meurent dans leurs premières années. Ce drame familial, et la carrière ralentie dès les années 1850 par l’ambiguïté politique du musicien le poussent à partir à l’étranger. Il est alors nommé directeur musical de l’orchestre de Göteborg, en Suède, activité qu’il exerce entre 1856 et 1861, en parallèle de l’enseignement et de son activité de musicien en ensemble de chambre. C’est l’occasion pour lui de composer des poèmes symphoniques. Son épouse meurt également en 1859 des suites de la tuberculose.
En 1863, il retourne à Prague et fonde d’abord une seconde école de musique, toujours animé par son sentiment patriotique, puis devient le chef d’orchestre de l’Opéra de Prague en 1866. Il y rencontre le compositeur Antonin Dvořák qui y joue au pupitre d’altiste et avec qui il se lie d’amitié. Durant la même période, il donne naissance à deux autres filles, fruits d’une seconde union avec Bettina Fernandini.
Lors de la décennie suivante, le compositeur est sujet à des troubles de l’audition, puis à une surdité totale à cause de laquelle il met un terme à la direction musicale en 1874 et se retire dans un village de Bohême. Il continue toutefois à composer dont le cycle Má Vlast ou Ma Patrie, parmi les plus importants de son œuvre. Il décède le 12 mai 1884 à Prague.
L’œuvre de Smetana
Smetana est l’auteur d’environ 150 œuvres principalement lyriques et orchestrales, pour piano, et de quelques pièces pour ensemble de chambre. Il est également le compositeur de nombreuses polkas et autres musiques pour danses mondaines, ainsi que de quelques transcriptions, qui n’ont pas nécessairement étaient référencées et publiées.
Dans ses premières années, l’influence du romantisme allemand est omniprésente dans son style. Son premier cycle pour piano, Six pièces pour piano, qu’il dédie à Liszt en 1848, sont teintées d’éléments musicaux et stylistiques que l’on retrouve chez Chopin et Schumann par exemple. Ses autres pièces pour clavier, principalement des cycles, qu’il fait enseigner dans ses écoles de musique, requiert une virtuosité semblable aux pièces de Franz Liszt.
Le compositeur est parmi les premiers à utiliser des éléments dits issus du folklore tchèque, qu’il s’agisse de thèmes musicaux ou de rythmes tchèques, de la langue tchèque elle-même ou encore d’histoires et légendes locales. Il est ainsi considéré comme l’un des fondateurs de la musique tchèque. Les Danses tchèques composées entre 1877 et 1879 sont son dernier cycle de 14 pièces pour piano reprenant des thèmes de danses authentiques, en réponse aux Danses slaves de Dvořák dont les thèmes sont pour la plupart inventés.
Ces aspirations patriotiques s’illustrent notamment dans ses œuvres lyriques. L’opéra Les Brandebourgeois en Bohême est le premier opéra dont le livret est écrit en langue tchèque. Parmi ses opéras les plus notables, La Fiancée vendue (Prodaná nevěsta), dont le livret de Karel Sabina est à cheval entre l’opérette et l’opéra-comique, met en scène une histoire d’amour parmi des personnages ordinaires et représentatifs. Il est créé le 30 mai 1866 au Théâtre provisoire de Prague, dans la continuité de l’élan politique en faveur de la création d’un Théâtre national de Prague. Celui-ci voit finalement le jour en 1881, et on y joue deux pièces lyriques de Smetana. Libuše, composé en 1872, donne vie aux légendes originelles thèques ; c’est un succès patriotique. Dalibor, présenté quelques années plus tôt, en 1868, et recréé pour l’occasion, met en scène l’épopée légendaire du chevalier Dalibor de Kozojedy, qui triomphe grâce aux valeurs tchèques.
Smetana est habité par les impressions des paysages recueillies dès son enfance au gré de ses voyages à travers le pays. Celles-ci l’inspirent pour composer l’une de ses œuvres les plus célèbres, Má Vlast, cycle de six poèmes symphoniques composés entre 1874 et 1879. Le poème le plus célèbre en est Vltava ou La Moldau, devenue une sorte d’hymne à la patrie tchèque, largement repris lors d’évènements officiels tels que le festival annuel du Printemps de Prague qui débute le jour de l’anniversaire de la mort du musicien. Le thème en tonalité mineure joué s’inspire du mouvement de l’onde du fleuve de la Moldau qui traverse le pays jusqu’à Prague en transportant l’héritage historique et culturel du pays. La transposition du thème en majeur lors de la coda semble exalter les valeurs patriotiques.
La postérité de Smetana, père de la musique tchèque
Apprécié de son vivant, Smetana a par son œuvre influencé nombre de ses confrères et démontre encore aujourd’hui son importance dans le paysage musical.
Les opéras de Smetana, en langue tchèque et s’inspirant de légendes tchèques, ont ouvert la voie au répertoire. Antonin Dvořák, notamment, crée en 1901 l’opéra Rusalka, considéré comme un opéra national et fréquemment joué à l’international. Outre le livret en langue tchèque, il puise dans les légendes et mélodies locales.
L’utilisation d’éléments musicaux dits folkloriques est partagé par plusieurs compositeurs, tchèques ou non, nourrissant ainsi le pendant musical du mouvement nationaliste qui parcourt l’Europe au 19e siècle. Parmi eux, on peut citer le thèque Zdeněk Fibich dont l’influence de son confrère est assumée ; Mahler qui use régulièrement de thèmes populaires ; ou encore Arnold Schoenberg qui reconnaît l’inspiration que le compositeur lui a donnée.