compositeur

Mikhaïl Glinka

1 juin 1804 - Novospasskoïe — 15 février 1857 - Berlin

Biographie

Mikhaïl Glinka, de naissance Mikhaïl Ivanovitch Glinka, naît le 1er juin 1804 dans la ville de Novospasskoïe située dans la région de Smolensk, alors dans l’Empire russe, dans une famille noble et plutôt établie. Dès ses premières années, il évolue dans un environnement où musiques occidentale et populaire se joignent. Il est élevé jusqu’à ses 7 ans par sa grand-mère paternelle, mélomane. Sa nourrice, d’origine plus modeste, lui chante régulièrement des chansons populaires. Les cérémonies religieuses sont également des occasions de découvertes musicales. L’ensemble musical que possède la famille lui permet enfin de se forger une culture musicale à la fois populaire et savante.

Ayant une santé fragile de naissance, il trouve rapidement refuge dans la musique, à la fois dans l’écoute et dans la pratique. Sous l’influence de ses parents, il apprend la flûte traversière, le violon et le piano, et complète les pupitres des deux premiers instruments dans l’orchestre de la famille dès ses 10 ans.

En 1817, le jeune Glinka, âgé alors de 13 ans, est envoyé en pensionnat à Saint-Pétersbourg, où il étudie auprès de personnalités littéraires et musicales. Le poète et écrivain Wilhelm Küchelbecker est son précepteur. Il poursuit son apprentissage du piano et s’initie aux rudiments de la composition auprès des pianistes et compositeurs allemands Karl Traugott Zeuner et Carl Meyer et du maître irlandais John Field. Son apprentissage repose essentiellement sur la musique occidentale, notamment le style classique de Mozart et la musique vénitienne, alors très en vogue en Russie. Il compose ainsi ses premières ébauches, pour la plupart inachevées, telles que les Variations pour harpe d’après La Flûte enchantée. Il montre dès ses premières œuvres un certain intérêt pour la musique de chambre avec par exemple un premier septuor.

Glinka quitte le pensionnat en 1822 et entreprend un voyage dans le Caucase où il découvre la musique orientale et ses particularités, influence qui mûrira dans ses compositions plus tardives. De retour en Russie, il commence à l’âge de 20 ans un travail de fonctionnaire qu’il quitte 4 ans plus tard. Ces quelques années lui ont permis d’affirmer son goût pour la composition et de poursuivre sa découverte du répertoire et des instruments, notamment dans des lieux de mondanités. Il débute d’autres pièces de musique de chambre, dont certaines sont achevées. Il rencontre par la même des représentants du milieu intellectuel florissant de la capitale culturelle du pays, notamment l’auteur Alexandre Pouchkine, de 5 ans son aîné, avec qui il lie une amitié durable.

La décennie suivante est l’occasion de nouveaux voyages en Allemagne, en France et en Italie, pour Glinka qui souhaite se former à l’écriture musicale occidentale et découvrir le chant italien. Il s’installe ensuite pendant 3 ans en Italie, où il s’imprègne du style du bel canto avec les œuvres de Rossini, Donizetti et Bellini. Les opéras auxquels il assiste lui inspirent des compositions, notamment des variations pour différentes formations, et figurent parmi ses premières œuvres entièrement achevées : on peut évoquer par exemple les Variations pour piano sur un thème d’I Capuleti e i Montecchi, ou le Divertimento brillante pour sextuor avec contrebasse et piano sur un thème de La Sonnambula, deux opéras de Bellini.

Son séjour italien terminé, il fait escale pendant plusieurs mois dans la capitale allemande où il étudie la composition auprès de Siegfried Dehn, ancien élève de Beethoven et théoricien de la musique émérite. Ce dernier reste le principal maître de composition du jeune Russe et l’accompagne dans l’appréhension du classicisme, notamment viennois. Il poursuit sa découverte du répertoire vocal avec La Passion selon saint Matthieu de Bach. Ce second voyage européen confirme son ambition et son envie de composer pour la voix.

En 1833, Glinka retourne en Russie avec le but de créer un opéra, mais dans un style russe. Il souhaite notamment utiliser des chansons populaires russes et s’inspire de l’histoire locale. Il entreprend son projet avec sa première Symphonie sur deux thèmes russes, qu’il délaisse pour se consacrer à son premier opéra. En 1836, l’œuvre Ivan Soussanine est créée au Grand Théâtre de Saint-Pétersbourg. Glinka s’est inspiré de l’histoire du héros patriotique éponyme, qui aurait volontairement égaré les troupes polonaises dans la forêt russe lors de leur invasion du pays en 1613, au début de la dynastie Romanov. Pour ce faire, Glinka s’inspire directement de l’œuvre du compositeur vénitien Catterino Cavos, créée deux décennies auparavant. L’opéra de Glinka est un franc succès, apprécié également par le tsar Nicolas Ier, à la demande duquel le titre est changé en Une Vie pour le tsar. Outre le sujet, la musique s’appuie sur la culture musicale russe, et le titre souligne son caractère patriotique : l’opéra est ainsi considéré comme une œuvre fondatrice de l’opéra russe et s’impose à chaque ouverture de saison du théâtre jusqu’en 1917 et la Révolution bolchévique.

Glinka est ainsi nommé Maître de la Chapelle impériale, fonction qu’il assume jusqu’en 1839. Il met également un terme à son mariage avec une jeune femme russe qu’il a épousée quatre ans plus tôt. Son voyage de jeunesse au Caucase inspire ses œuvres suivantes : la tragédie Prince Kholmski d’après l’œuvre de Nestor Koukolnik, et son second opéra Rouslan et Ludmila, sur un livret de son ami Pouchkine, en 1842, teinté d’orientalisme dans les harmonies et la vocalité. Cette seconde pièce est un succès modeste, évincé notamment par les représentations des œuvres verdiennes lors de la même saison et le goût grandissant pour le style italien du public local.

Ce succès en demi-teinte le pousse à entreprendre une seconde série de voyages européens. Il s’installe ainsi à Paris en 1844 où il fréquente volontiers les milieux intellectuels. Il y fait la rencontre d’Hector Berlioz qui le programme dans une salle parisienne. Glinka est ainsi le premier compositeur russe à se produire en France. L’année suivante, il s’installe en Espagne où il passe deux ans et découvre la musique folklorique locale qui lui inspire son ouverture symphonique Capriccio brillant sur le thème de Jota aragonaise, puis Souvenir d’une nuit d’été à Madrid, qu’il compose en 1848 à Varsovie où il vient de s’installer.

En 1852, Glinka se réinstalle à Paris et entame des œuvres qu’il ne termine pas voire détruit pour certaines. Il rentre à Saint-Pétersbourg deux ans plus tard et débute la rédaction de ses Mémoires ainsi que la réorchestration de certaines pièces. En 1956, Glinka retourne à Berlin pour s’initier à la musique sacrée auprès de son maître de composition. Il y meurt le 15 février 1857, à l’âge de 55 ans.

Le père de l'opéra russe

Mikhaïl Glinka est considéré comme le père de l’opéra russe. Très tôt, il se familiarise avec les chants et les mélodies russes populaires, ce qui fait germer en lui l’envie de créer un style russe pour l’opéra.

La composition de son premier opéra, en quatre actes et un épilogue, Une Vie pour le tsar (1836), repose sur l’utilisation d’éléments de la culture populaire. Le sujet se veut d’abord patriotique, reprenant un fait notable de l’histoire russe, et participant de la propagande tsariste. Le livret est rédigé par Yegor Rosen et Vassili Joukovski, en langue russe. Le style vocal est très italien, avec des tessitures étendues et des ornementations riches dans le style de Rossini ou Donizetti. Le choix de tessitures plutôt graves, avec notamment un contralto et trois basses, deviendra l’un des éléments caractéristiques de l’art lyrique russe. La composition elle-même fait intervenir des chants populaires russes et polonais, ou s’inspire des harmonies slaves de la musique locale. La couleur orchestrale se rapproche de ce que pourra faire Tchaïkovski avec une prédominance des cordes, des flûtes et de la harpe. Son style s’affine et s’étoffe d’une influence orientale, s’illustrant dans la vocalité aussi bien que dans les accents orchestraux. Glinka s’impose ainsi comme le fondateur du style russe, à la fois dans les procédés de composition, la couleur orchestrale, mais surtout pour le genre de l’opéra.

L'influence de Glinka sur ses successeurs : le Groupe des cinq

Outre ses œuvres dont certaines sont entrées au répertoire, Mikhaïl Glinka a joué un rôle prépondérant dans la mise en place d’un style musicale russe, et même d’un style nationaliste. Dans sa lignée, le Groupe des Cinq, formé en 1861 des cinq compositeurs Alexandre Borodine, César Cui, Mili Balakirev, Modeste Moussorgski et Nikolaï Rimski-Korsakov, défend un style musical national s’appuyant sur les matériaux populaires et s’opposant à l’académisme enseigné dans les conservatoires et au style occidental. Cui rédige en ce sens un manifeste exposant leurs idéaux musicaux et artistiques.

Les premiers travaux symphoniques du groupe s’appuient sur la Fantaisie pour orchestre Kamarinskaïa, composée par leur prédécesseur en 1848 à Varsovie d’après des souvenirs espagnols.

Les œuvres de Borodine, Moussorgski et Rimski-Korsakov se sont facilement exportées, et sont souvent jouées. Modeste Moussorgski affirme le style de l’opéra russe avec son œuvre Boris Godounov (1869, 1872), sur un livret de Pouchkine, dont le rôle principal est tenu par un baryton-basse et est clé dans le répertoire de la tessiture. Nikolaï Rimski-Korsakov quant à lui se distingue du groupe par la finesse de son orchestration qu’il utilise d’ailleurs pour terminer certaines œuvres de ses confrères. Son talent lui permettra d’obtenir le poste de professeur au Conservatoire de Saint-Pétersbourg et de former à l’orchestration d’autres musiciens russes renommés tels que Prokofiev ou Stravinsky.

Événements passés