René Jacobs, chanteur et professeur

Ce film est le premier de la collection des « Leçons particulières de musique ». Il s'agit aujourd'hui d'un film unique, véritable document historique pour l'interprétation de la musique baroque en général, et de Haendel en particulier. René Jacobs et moi-même avions noué une belle amitié professionnelle à l'issue d'une série d'émissions du « Marin des Musiciens » sur France Musique où pendant une semaine de quinze heures de programme en direct — trois heures chaque matin ! — René Jacobs chantait, donnait des explications détaillées sur l'art du contre-ténor et commentait un programme s'étalant de Purcell à Wagner. Le journal Libération avait suivi l'affaire de près en donnant quotidiennement dans de courtes notules la température de la veille après avoir annoncé la série sur une page entière.

Personne ne pouvait savoir à l'époque, car il n'en parlait qu'à mots couverts et très rarement, qu'il envisageait de passer à la direction d'orchestre. Connaisseur de la physiologie de la voix autant que de la science vocale, il avait conscience de sa propre fragilité et ne pouvait se contenter de demi-mesures. L'enseignement qui le passionnait, la recherche musicologique qui était à la base de son travail, étaient trop éloignés de l'expérience physique de la musique. de son interprétation en concert. Afin de rester dans la sensation sonore, il allait devenir chef d'orchestre et diriger les chefs-d'œuvre dont il avait été jusqu'alors l'interprète vocal. Ce film se situe dans ces années de mutation. Claude Mourièras et sa caméra super-16 nous introduisent dans une villa de Montepulciano en Toscane pour suivre les leçons de René Jacobs données à deux de ses jeunes élèves de la Schola Cantorum Basiliensis, élèves qui deviendront à leur tour des cantatrices reconnues, Maria Cristina Kiehr et Susanne Rydén. Jacobs est au clavecin. Il joue avec délectation tout en entonnant ses exemples.

La pertinence de ses remarques, ses yeux rieurs, son sourire et sa manière directe d'exprimer les finesses de l'art vocal baroque dégagent un pouvoir de communication qui nous touche aujourd'hui encore, soit plus de vingt ans après. Ses précisions sur l'approche du texte et sa prononciation, sur l'univers baroque, ses conventions et ses usages n'ont rien perdu de leur actualité : au contraire elles sont au centre de son travail de chef d'orchestre. La dernière scène du film laisse place à une impressionnante interprétation de « Mi palpita il cor » de Haendel, avec trois des meilleurs musiciens de style baroque de l'époque, Marc Hantaï à la flûte, Roel Dieltiens au violoncelle et Yvon Repérant au clavecin. Jacobs chante ce qu'il vient d'expliquer et la musique s'éclaire pour le spectateur.

Les Leçons particulières de musique : douze émissions qui ont marqué la télévision française entre 1987 et 1991. Pour Oliver Bernager et François Manceaux, il s'agissait de saisir le vif de l'art des interprètes les plus importants de notre temps en situation de concert et surtout, d'enseignement.

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